Femme seule avec deux petites filles, réfugiée du Nigéria, elle a demandé et obtenu la ‘’protection de la France’’. Anglophone, elle maitrise remarquablement bien notre langue. Elle travaille dans une crèche, ses deux petites filles, 5 et 7 ans, adorent l’école qu’elles fréquentent en bas de chez elle.

Lui est aussi nigérian. Célibataire il a acquis un statut de réfugié en Italie.

Ils se sont connus – ou retrouvés, je ne sais pas – au sein des multiples réseaux solidaires qui relient la diaspora de leurs compatriotes en exil. Sa carte de séjour italienne lui permet de voyager en Europe. Ils se sont mariés chez nous, à Marcq en Baroeul, où il a rejoint sa nouvelle épouse et ses deux enfants. Depuis une gentille petite fille est née de leur union. Une belle histoire !

Oui, mais

Son statut de réfugié en Italie, qui lui permet de visiter La France en touriste, ne lui permet pas d’y résider ni d’y travailler. Il lui faudrait pour cela avoir à son tour un droit de séjour en France. Selon la loi, il remplit toutes les conditions pour l’obtenir. Simple formalité, simple bon sens.

Oui, mais…

Au lendemain de leur mariage, sa femme et lui ont rempli, comme il convient, un formulaire de demande de réunion familiale et envoyé le tout à l’OFII (Office Français de l’Immigration et Intégration) et la préfecture.

Pas de réponse, le temps passe. Il ne faut surtout pas qu’il perde ses droits de séjour en Italie et sa carte de réfugié arrive bientôt à expiration. A la hâte il organise un voyage à Turin où il travaillait – deux voyages en fait, un pour les démarches administratives, un deuxième pour récupérer sa nouvelle carte. Tout cela coûte, mais c’est fait. Il, et elle, sont en sécurité de ce côté…

Oui, mais…

En France toujours pas réponse. Cette fois ils décident de faire appel aux services de « La Cimade », une association bénévole ‘’d’accueil et de soutien juridique’’ aux demandeurs d’asile. Rendez-vous est pris à Lille. Deux heures de travail minutieux sur ordinateur, le dossier est envoyé aux autorités sous le couvert de La Cimade. L’espoir renait.

Oui, mais…

Rien ne bouge. La Cimade recontactée à nouveau découvre dans ses archives un courriel l’informant que leur demande de regroupement familial ne pourra se faire qu’après un an de mariage et de vie commune. Contrairement aux usages ce courriel n’a pas été envoyé aux intéressés. Il faut tout recommencer, on réorganise le dossier, ils obtiennent de nouveau un rendez-vous à La Cimade. Plus d’une année s’est écoulée depuis leur mariage ; sûrement la solution est toute proche.

Oui, mais…

« Désormais, pour faciliter les démarches » déclare la notice gouvernementale « cette demande de droit de séjour doit être faite sur le site ANEF ».

Grand bien leur fasse, ils s’y mettent. Et là, tout craque. Dès la troisième ligne la machine réclame un identifiant dont personne n’a jamais jusqu’ici entendu parler, pour aussitôt refuser obstinément,  en quatrième ligne, l’adresse Email de notre ami, au prétexte que celle-ci est déjà utilisée… Tout se bloque. Le cauchemar ! Comment dialoguer avec un ordinateur ? Essai, re-essai, parcours de toutes les circulaires ministérielles, recherches de recours possibles… C’est vendredi, il est 19h30, l’assistante de La Cimade abandonne le clavier : « je ne sais pas, je ne sais plus, je ne comprends pas, j’en parlerai la semaine prochaine avec les collègues… ».

Sur le trottoir, il y a un homme, une femme et trois enfants qui pourraient vivre tranquilles et heureux, au moins bénéficier d’un minimum de stabilité… oui, mais…

Et, j’oubliais :

Entre temps la carte de séjour de madame est arrivée à expiration. Elle a fait la demande de renouvellement dans les temps. Elle a reçu le récépissé faisant foi de sa demande et de ses droits en attente de réception de sa nouvelle carte. Mais la carte n’arrive pas et « ce récépissé lui-même arrive expiration », nous signale la bénévole de La Cimade, et « il faut aussi faire une demande officielle de prolongement, sous peine de tout perdre ». On l’a faite ce soir-là. Pourvu que ça marche !

Oui, mais …