8 heures 45, coup de téléphone de notre amie somalienne. Elle appelle de l’arrêt de bus tout près de chez elle. Elle est attendue pour 9 heures à Pôle-Emploi (pardon, France-Travail). Mais, neige et verglas obligent : « pas de bus aujourd’hui », la caissière de la superette voisine vient de le lui confirmer. Ce rendez-vous est crucial pour elle, ses allocations en dépendent. Malhabile encore en français, elle nous demande de téléphoner pour l’excuser.

Valse-polka des numéros, ‘’tapez 1… tapez 3…’’ quelqu’un finit par répondre d’une plate-forme anonyme : « c’est à elle d’aller s’excuser… pas de bus ? elle n’a qu’à y aller à pied… ».

Elle habite un nouveau lotissement en banlieue. Pôle-Emploi/France-Travail s’est délocalisé dans une zone commerciale éloignée. Enceinte et sous surveillance médicale, elle n’est certainement pas en mesure de se risquer sur des trottoirs verglacés. Nous décidons d’aller la chercher.

Je prends la voiture. Ce n’est pas la porte à côté : une quinzaine de kilomètres et par ce temps le trafic est chargé et précautionneux. Elle m’attend au pied de son immeuble. Nous arrivons à destination aux alentours de 11 heures.

Un vaste local tout neuf au milieu d’une prairie enneigée. C’est quasiment vide : des ordinateurs – deux pauvres bougres s’y exercent en appelant régulièrement à l’aide. J’explique rapidement la situation à une opératrice qui traverse l’espace. Elle regarde la convocation : « Madame est en retard, elle doit écrire une lettre pour s’excuser, expliquer ses motifs, nous verrons si nous pouvons lui proposer une autre date… »

Je n’en reviens pas : « Quand même, madame !… ». J’explique à nouveau. Il passe dans le hall un frémissement d’humanité : « Attendez à l’accueil » (quel beau mot !).

Une employée paraît, elle entraîne notre amie vers un bureau attenant. Voilà, c’est fait : « vous avez votre identifiant et aussi votre mot de passe, on vous l’a envoyé… » Elle vérifie sur son téléphone, maintenant on l’entoure, on lui montre… « Et n’oubliez pas de renouveler votre inscription tous les mois… »

‘‘Pôle-Emploi’’, ‘’France-Travail’’ ? peu m’importe, mais c’est quand même mieux quand on peut y rencontrer des vraies gens.

Un frémissement d’humanité