Elle nous a invités, à titre de grand (ou arrière-grand) parents – adoptés ou honoraires, comme vous le voudrez…
C’est notre amie de Somalie ; pour elle et ses deux enfants de trois et cinq ans, c’est la fête de fin d’année scolaire à laquelle sont conviées les familles.
Elle s’est drapée pour la circonstance dans un immense foulard bleu-ciel qu’elle porte sur une tunique multicolore – silhouette des pays chauds en cette fin d’après-midi ensoleillée. Les enfants déjà tout excités ont revêtu les tenues qui bientôt leur permettront d’entrer en scène…
Tout se passe au centre sportif municipal, au milieu d’un vaste parc ombragé. On se retrouve tous dans l’immense salle de sport où se déroule le spectacle. Des maternelles aux élémentaires, les classes se succèdent sur l’estrade : enseignants affairés, joyeux désordre artistique sur la scène, photos, applaudissements, rappels, émotion et émerveillement des parents, les enfants courent partout, retrouvent leurs copains et copines, se réfugient auprès de leurs familles… c’est la fête ! Des tables éparpillées dans une salle adjacente nous rassemblent avec d’autres familles pour un rafraîchissement. Nos petits amis jouent quelque part avec leurs camarades de classe.
L’heure est venue de regrouper notre petit monde. La maman est partie chercher le garçon. Les voilà qui reviennent. Le petit est en pleurs. Un ‘grand’ lui a donné un vilain coup. Il reste là, figé. Un sanglot serré au fond de la gorge l’empêche de parler, les yeux de sa maman qui cherche à comprendre ce qui s’est passé s’assombrissent : « il t’a dit de méchantes choses ? »… On est à deux jours du scrutin du 30 juin. Nous regardons autour de nous. L’atmosphère s’est soudain appesantie. Le doute s’est introduit. On rentre, oui, la fête est finie.
Dans la nuit, l’image de ce petit bonhomme incapable de ravaler son sanglot s’est imposée à moi, et avec elle me sont revenus les mots de conclusion du tract du « Groupe lillois de réflexion inter-religieux et culturel d’accueil aux migrants » (Griam) distribué le mardi précédent, lors du « Cercle de silence » mensuel, sur la Dalle des Droits de l’Homme – face à la préfecture, place de notre République :
« Il ne s’agit pas d’être optimistes ou pessimistes, mais déterminés :
Voulons-nous choisir une société où l’autre est perçu comme un ennemi, ou voulons-nous nous impliquer dans un vivre ensemble ? »