C’était encore les vacances. Coup de fil un lundi, au petit matin. C’est notre amie somalienne. Elle a reçu un message de France Travail qu’elle ne sait déchiffrer. Elle nous en envoie copie. On la rappelle : rendez-vous ce lundi à 15 heures avec sa conseillère. Panique : ‘’Aujourd’hui, à 15 heures ? mais je ne peux pas, j’ai rendez-vous à l’hôpital à Lille !’’.
Elle sait (et je sais) pour l’avoir expérimenté, le risque que comporte un rendez-vous manqué : radiation du statut de demandeur d’emploi, suspension des droits et allocations, endettement, longues et complexes procédures de réinitialisation… Mais : ‘’Je dois partir, je n’ai pas le temps d’y aller, de les contacter, peux-tu leur téléphoner, m’excuser, leur expliquer ?…’’
Soit. Je consulte internet : adresse, téléphone. J’appelle ; répondeur, musique et transfert vers un nouveau numéro. On m’y avertit : « je serai enregistré »… puis c’est le jeu de Loto ; composez les deux chiffres de votre département etc. etc… Tout malin que je prétends être, et fier de ma maîtrise en français parlé, je suis largué. Je retourne vers notre amie, elle est dans le train vers Lille, ne comprend pas ce que je dis. C’est raté, je laisse tomber, elle ira s’excuser demain, en espérant que son absence n’aura pas déjà été enregistrée sur le ‘’système’’ informatique.
Quand même ça m’inquiète. Armentières n’est pas si loin. Je prends la voiture, j’y suis à 14 heures pile, ouverture des bureaux. Je connais l’endroit pour y avoir été plusieurs fois avec notre amie négocier quelques situations complexes : zone industrielle encore toute fraîche où les locaux de France Travail s’étalent sur une pelouse verdoyante. Larges baies vitrées accueillantes. Au portail une affichette indique qu’on n’y reçoit que sur rendez-vous. Brève communication au parlophone, la porte s’ouvre après quelques hésitations. Il y a une personne seule à l’accueil, bienveillante, elle consulte son écran, et puis : ‘’c’est bon, je vais prévenir sa conseillère’’. Dans mon dos une personne entre, c’est sa conseillère, quelques mots, elle rit : ‘’oui, je sais, madame vient de m’envoyer un SMS, je lui ai donné un autre rendez-vous’’
Aller et retour pour rien ? peut-être. Comment a-t-elle fait ça, elle qui ne sait ni lire ni écrire ? je ne sais pas ? Ce que je sais, c’est que sur le retour j’étais tout sourire : elle m’a doublé, malgré toutes ses difficultés elle a été plus rapide et efficace que moi, oui, finalement dans tout ce bric-à-brac elle va s’en sortir !
Bien sûr il reste encore cette ‘’carte de séjour’’ en fabrication que la préfecture n’a pas encore livrée, et la carte Vitale que la CPAM menace de bloquer tant que la carte de séjour ne sera pas livrée… Une chose à la fois !
Ce matin elle m’a envoyé la vidéo des deux enfants sur la route de l’école ; bonne rentrée les petits, allez-y, la voie est libre !