Dessin envoyé par L. à sa maîtresse pour l’anniversaire d’Axel, un camarade de classe

Début de la 4e semaine, plongée dans l’étrangeté de ce moment… Il y a les malades, ceux qui les soignent ou s’occupent des personnes âgées, ceux qui travaillent pour nous et nous qui sommes reclus (ou presque) dans nos maisons, attendant chaque soir avec anxiété les nouvelles du monde, téléphonant plus que de coutume aux amis, à la famille pour maintenir une proximité affective à défaut de proximité  sociale, lisant ou jardinant ou cuisinant ou s’occupant des enfants, enfin ce qu’on appelle la routine de la vie quotidienne. On a du temps… « Si vous possédez une bibliothèque et un jardin vous avez tout ce qu’il vous faut» disait Cicéron. Mais une vie sans relations sociales est fantomatique, elle ressemble à une salle d’attente où l’on feuilletterait toujours les mêmes revues et où on commence à se demander quand et qui en sortiront les premiers, quand et qui les derniers…

Adhérents de MTA, nous sommes un peu désemparés « d’abandonner » les familles que nous aidons, de ne plus donner nos cours de français, de ne plus nous voir entre nous. Je lance donc cette petite chronique destinée à relever quelques tentatives pour garder du lien en période de crise.

D’abord, il y a Mohammed, qui appelle pour savoir comment nous allons… comment n’ai-je pas pensé avant lui à le faire ?

Les assistantes sociales, en télétravail, qui gardent le lien avec leurs familles et nous téléphonent pour nous tenir au courant ou nous demander des renseignements.

Pour moi il y a surtout une fillette kurde dont la maman non-francophone n’a ni ordinateur ni imprimante et une institutrice formidable (vive l’Éducation nationale!) qui fournit un travail remarquable chaque jour pour sa classe de CP/CE1 (alors qu’elle-même a deux enfants à la maison).

Alors chaque jour j’imprime une partie du travail demandé, je vais le glisser dans la boîte aux lettres et le soir, à 17h30, L. m’appelle en vidéo WhatSapp sur le téléphone de sa mère pour que je l’aide. Bien sûr ce n’est pas « top », je vois à peine ce qu’elle écrit, j’entends mal, je ne peux guère varier mon approche pédagogique mais L. tient à ce rendez-vous et ça lui permet de se sentir encore élève.

Sans parler du reste (!), cette épidémie accroît les inégalités sociales : les familles de réfugiés (et pas seulement elles!) ne peuvent pas ou peu aider leurs enfants, n’ont ni livres ni jardin, certaines ne peuvent même pas comprendre les informations à la télé, ni imprimer les autorisations de sortie. C’est un confinement dans le confinement…

Amis de MTA (adhérents, familles), bon courage, prenez soin de vous et bonne santé à tous.

Christine ARIS

Chroniques du confinement, 8 avril …