Finies les longues files d’attente sur le trottoir de la préfecture, fini le tête à tête au guichet où plaider sa requête. Covid 19 – et informatisation des services – obligent : on ne dépose plus ses dossiers qu’en « pièce-jointe » , on n’est plus reçu que sur rendez-vous, sur invitation, par internet.
Elle le sait. Pourtant elle a décidé de tenter sa chance. Elle fait partie des familles que notre partenaire SOLIHA nous a proposé d’accompagner. Suite à des violences conjugales elle vit aujourd’hui en France sous « protection judiciaire ». Ce drame familial a bouleversé toute sa vie et celle de ses enfants. Il remet en cause son droit au séjour lié au regroupement familial, et tous les autres droits qui en dépendent, y compris celui, pour elle, de trouver un emploi !
Son assistante sociale est parvenue à lui obtenir un rendez-vous en préfecture pour déposer sa demande de régularisation. Mais ce rendez-vous n’aura lieu que plusieurs mois après expiration de sa protection judicaire. Alors pour elle, devant elle, c’est le gouffre. C’est cette date de rendez-vous qu’elle voudrait à tout prix avancer.
Elle a demandé à MTA de l’accompagner, tant sans doute pour suppléer à son français encore défaillant que pour ne pas se sentir trop seule et vulnérable. Elle est là ce matin avec ses deux enfants devant les grilles de la préfecture.
Oh, bien sûr, non, on n’entre pas. Une par une les quelques personnes qui s’approchent se voient poliment et fermement renvoyées les mains vides. Elle s’avance à son tour, ouvre son porte-document, présente les lettres de son assistante sociale, son attestation de protection judiciaire, son dossier en attente… elle tente de s’expliquer… Mais : « Non madame, on ne peut rien pour vous. Non, on n’a pas le pouvoir d’intervenir… Oui, il faut prendre rendez-vous… Oui madame, c’est par internet… Oui, je comprends madame, voilà l’adresse (internet) où envoyer un courrier en cas d’urgence… ». C’est fini.
On se retire quelques pas plus loin sur le trottoir. Elle téléphone à son assistante sociale. Celle-ci nous assure qu’elle a déjà envoyé un courrier à cette adresse d’urgence, qu’elle n’a pas accès aux services de la préfecture pour accélérer la procédure, qu’il n’y a plus qu’à attendre. Démunie elle aussi sans doute, elle rappelle l’adresse, à Roubaix, d’une association de défense de femmes victimes qui pourrait peut-être aider… On évoque pour s’encourager la possibilité de rencontres avec des associations spécialisées dans le soutien juridique aux migrants. Après tout, il y a encore quelque temps avant expiration de la protection judiciaire. Tout n’est pas perdu…
Mais pour notre amie, c’est trop. Elle dit merci, et merci, et merci encore. Et elle se précipite avec les enfants dans le premier métro : direction Roubaix, vers cette association qui défend les femme-victimes… L’Angoisse !